" MARIE BATAILLE auteur littérature jeunesse, livres pour enfants, presse, roman feuilleton: ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 37

ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 37


Semaine 37

J'étais allongé sur la large balustrade en bois du balcon de la maison d'Onaké quand je vis arriver, accompagné par le vieux moine Kitashiba, Guillaume, le fils de Mameth. Il était pâle et avait les traits tirés. Le voyage l'avait fatigué et sans doute aussi tout ce tralala l'effrayait un peu. Que voulait exactement La Salles ? Quel était le rôle d'Onaké Kikoni dans cette affaire? Pourquoi avait on pensé à lui? Il était presque mal à l'aise de découvrir l'endroit où se cachait la pianiste virtuose. Il se souvenait lui avoir servi d'interprète peu avant sa retraite, il se souvenait de ses tremblements iréprécibles qui l'empêchaient de jouer. Quand il avait lu dans les journaux sa subite disparition, il n'avait pas été surpris. Mais il s'était tu, bien évidemment. Il n'avait jamais formulé le moindre commentaire et lorsqu'il avait ensuite rencontré La Salles à Pleyel, pour servir d'interprète, il n'avait posé aucune question. Dans le monde du show-biz, il était apprécié pour sa discrétion. Quand Guillaume franchit les trois petites marches qui menait au balcon et à la porte d'entrée du pavillon en bois, il m'aperçut et s'étonna :
- Ben, ça alors c'est dingue ce que tu ressembles à Lucien,toi !
- A Lucien ? Lui s'appelle Petit Tigre! S'exclama en français Onaké qui venait d'apparaître dans l'encadrement de la porte.
La conversation se poursuivit en anglais. Guillaume expliqua qui était Lucien. Il n'y avait que moi qui savait que Lucien, Petit Tigre, Le Chat et les autres c'était le même. C'était moi.

Onaké s'inquiéta de l'état de fatigue de Guillaume et lui proposa de prendre une douche et de dormir s'il en ressentait le besoin. Guillaume se contenta de demander du thé bien chaud. Le moine Kitashiba partit le préparer et  sortit quelques plantes rares de sa poche qu'il mélangea au thé vert.
Onaké rentra vite dans le vif du sujet. La Salles n'en n'avait plus pour très longtemps. Le cancer se généralisait mais les moines le soignaient du mieux qu'ils pouvaient et leurs décoctions additionnées aux médicaments des médecins français rallongeaient un peu son espérance de vie. Onaké prévint Guillaume que La Salles avait beaucoup changé et qu'il ressemblait à un squelette habillé tellement il était amaigri. Elle ne voulait pas en dire plus, le reste devait être dit par La Salles. Maintenant La Salles ne venait plus rendre visite à Onaké. Se faire porter par le jeune Gio était un supplice car il avait mal partout. Il ne bougeait plus beaucoup de son lit ou de sa chaise longue. Quand Guillaume eut vidé trois bol de thé, Onaké proposa de se rendre au monastère.
                  
                         La chambre de La Salles était une cellule de moine spacieuse, bien éclairé par une large fenêtre qui donnait sur les alignements rectilignes du potager. François La Salles n'aurait jamais imaginé que les dernières images de sa vie eut un tel décor. Maintenant que ses pensées s'embrumaient souvent, quand il voyait le jeune moine Gio, grand et costaud, il était rassuré et heureux comme lorsqu'il retrouvait Marco, dans un café de Venise, derrière Académia. Gio c'était Marco. Marco était là, avec lui, dans ce potager, tous les jours qui lui restaient à vivre. Guillaume eut du mal à reconnaitre La Salles. Il portait toujours ses grosses lunettes d'écaille noire devenues, à cause de la maigreur du visage, complètement extravagantes et démesurées. 

François La Salles parla le premier en levant le bras pour serrer la main :
- D'abord un grand merci, Mr La Luppa de vous être déplacé et de bien vouloir céder à mes dernières volontés. Je ne veux pas laisser Onaké régler toutes ces choses, seules. Alors voilà, à ma mort je souhaite donc que mes cendres soient déposées au cimetière San Miguele de Venise dans le caveau de mon cher Marco Agnelli. Toute la procédure est réglée depuis longtemps à ce sujet. Je souhaite que vous soyez le convoyeur, en quelque sorte, et je souhaite que vous assistiez au travail des pompes funèbres...Que mes cendres soient bien déposées dans le caveau et que l'urne y soit scellée. Ensuite j'aimerais que chaque 11 Avril vous veillez à ce qu'un bouquet de fleurs y soit déposé. Vous vous dites que je suis un pauvre type bien capricieux mais l'amour de Marco a été toute ma vie. Rien n'avait bien commencé pour moi, vous savez, bien qu'étant né dans une famille aisée. Rien. J'ai été un fils peu aimé. Un enfant unique et seul que personne n'avait souhaité. Je n'ai réussi à plaire à aucun de mes parents. Je me suis dis que ma vie allait être exécrable... Et un jour il y a eu Marco. Pouvez vous me garantir que tant que vous serez vivant vous accomplirez ce que je viens de vous demander....Bien entendu tout sera à ma charge et un notaire s'occupera de vous rétribuer. Il vous suffit finalement de simplement cocher sur un calendrier la date du 11Avril !
François La Salles me sourit. Je ne comprenais pas pourquoi La Salles n'avait justement pas demandé à un notaire de se charger de ces formalités. Pourquoi avait-il besoin de moi? Pourquoi moi, précisément ? Je crus le deviner quand soudain je vis Onaké Kikoni assise près de la fenêtre. Elle portait un chemisier de soie blanc et un jean usé, ses cheveux étaient retenus à la nuque par une grosse barrette en bambou qui dessinait un huit. Une frange bombée retombait sur ses sourcils droits; Elle était magnifique. Elle regardait dehors comme si nous n'existions pas. Et puis elle se tourna vers moi. Je reçus une décharge électrique. La Salles m'avait fait venir pour elle. Pour que je sache qu'elle m'attendait depuis longtemps, sans rien savoir.



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