" MARIE BATAILLE auteur littérature jeunesse, livres pour enfants, presse, roman feuilleton: ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 45

ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 45



Semaine 45

Depuis un mois, Guillaume passait d'un hôtel à l'autre, de taxis en aéroports. A peine revenu du Japon, il était parti à Calcutta et maintenant il s'apprêtait à rejoindre Venise.
François La Salle était mort, entouré par les moines et Onaké. Je suis resté contre lui jusqu'à ce qu'il rende l'âme. Onaké lui rafraichissait le front avec une potion mentholée et le moine Gio lui caressait les mains et massait de temps en temps ses doigts. François regardait, sans voir, l'assistance attentionnée autour de lui. Il respirait sans difficulté, calmement. Il souriait, apaisé, sans doute, par la piqûre faite quelques heures avant. Et puis il voulut se redresser subitement et murmura :
"Je m'en vais mes amis".
Le sourire quitta son visage, les yeux restèrent fixes. La Salle venait de mourir très simplement et très discrètement, comme il avait vécu. Je descendis du lit comme une bombe. Il fallait laisser place nette sur le lit pour que l'espace temps avale son âme correctement et aille la déposer intacte dans la galaxie et les lieux de son choix.
Le moine Kitashiba annonça :
- C'est fini, Onaké. Ton ami est parti rejoindre ses ancêtres.
Onaké avait les larmes aux yeux et tremblait légèrement comme du temps de la
maladie qui l'avait empêché de jouer. Kitashiba fit un signe du menton en direction de Gio. Le jeune moine alla poser ses mains sur les épaulesd'Onaké qui sursauta et se calma rapidement.
- Je me sens si seule. Ma vie est un désert que la musique bat comme un vent de tempête continue. Si seule.
- Dans les moments douloureux nous sommes, tous, seuls, Onaké. Je suis seul au milieu des moines, François était seul parmi nous, Gio est seul quand il te regarde. Les hommes un peu exigeants sont souvent seuls devant la beauté et la cruauté de la vie. C'est bien pour ça qu'ils font l'effort de vivre ensemble. Nous sommes là, Onaké, comme nous avons été là pour François. A toi de t'emparer de ce que nous pouvons t'offrir, c'est un très bon remède. Et toi, tu es là pour nous, pour nous rappeler le monde du dehors, le monde des belles choses inaccessibles, ce monde à qui nous avons tourné le dos mais qui nous appelle toujours dans le silence de nos prières.
Onaké se pressa dans les bras de Kitashiba qui la serra très fort en respirant son parfum de femme fleur.

Trois jours plus tard, Onaké s'envolait pour Venise avec les cendres de La Salle. Elle attendit que l'avion de Guillaume en provenance de Paris se pose. Elle l'attendait dans une salle d'attente, le corps un peu endolori à cause de la fatigue, ce qui émaciait davantage l'ovale de son visage qui apparaissait dans toute sa pureté. Onaké attendit une bonne heure avant que Guillaume ne se présente dans le hall de la salle d'attente presque vide. Il s'arrêta et la chercha des yeux. Elle leva le bras et agita sa main. Il lui sourit. Il ne comprit pas encore pourquoi, en la voyant, sa fatigue et la fureur toujours présente de la foule indienne venaient de se calmer d'un coup. C'est quand il fut dans
le bateau taxi qui écumait l'eau plate de la lagune, quand une envie irrésistible de prendre Onaké dans ses bras, qu'il devina ce qui se passait. Elle se tourna vers lui et planta ses yeux fendus dans les siens. Guillaume se pencha et embrassa Onaké avec une précaution et une tendresse infinie. Une précaution et une tendresse que depuis toujours tout le monde lui avait refusées, à lui, le garçon doué et plein de vigueur.


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